Rendez-vous au Jardin 

 

Airs Anciens

De l’Italie et de la France du 17ième siècle

 

 

Soprano : Sophie Landy

Harpe triple : Nanja Breedijk

 

G. Frescobaldi                          - Se l’aura spira

M. da Gagliano                       - Vanne, pur lieto

G. Caccini                                - Non ha’l Ciel cotanti lumi

 

G.Trabaci                                - Toccata seconda e ligatura

G.Kapsberger                           - Gagliarda

 

G.Caccini                                 - Tutto’l di Piango

- Al Fonte, al prato

   

E. Gaulthier, dit `Le Jeune`      - Fantaisie

Michel Lambert                       - Rochers, vous êtes sourd

 

Anonyme                                 - Voicy le Temps de la verdure

A.Piccinini                              - Corrente

 

E. de Moulinié                         - Tout se peint de verdure

L.Rossi                                    - Passacaglia

S.Le Camus                             - Des Beaux jours

 

Giulio Caccini                          - Amarilli mia bella

C. Monteverdi                          - Quel sguardo sdegnosetto

 

 

Traductions :

G. Frescobaldi                                  - Se l’aura spira


Si la brise souffle, toute belle,

La fraîche rose sourit,

La haie ombreuse de belles émeraudes

Ne craint pas la chaleur estivale

 

Au bal, au bal, venez, heureuses et agréables nymphes, fleurs de beauté,

Pendant que la belle source si claire

 

 

L’oiseau déploie ses doux poèmes,

L’arbrisseau est tout fleuri,

 

Chantez, chantez, nymphes riantes,

Chassez les vents de la cruauté.


De la montagne élevée à la mer s’en va.

 

M. da Gagliano                                Vanne, pur lieto extrait de « La Dafne »

Vénus à Amour :

« Va-t-en l’esprit joyeux, mon fils, Moi aussi, je demeure joyeuse car c’est un trop grand péril de t’accompagner quant tu es dans une telle fureur. Je vais en t’attendant me rendre dans cette riante forêt. Puis nous nous retrouverons ensemble au ciel. »


 

Air 1 : « Qui vit libre des liens de l’amour

Doit jouir de sa liberté d’un cœur heureux

Mais non orgueilleux : cachée dans d’obscurs nuages

Il y a pour nous au ciel une loi suprême. »

Air 2 : « Si d’aujourd’hui tu ne ressens pas l’amour

Tu peux avoir demain le cœur perturbé et inquiet

Et tu éprouveras quel seigneur cruel et sévère

Est Amour que tu avais auparavant fièrement méprisé

 

G. Caccini                                        – Non ha’l Ciel cotanti lumi

Le ciel n’a pas autant d’étoiles,

La mer et les fleuves autant de gouttes d’eau

Avril n’a pas autant de lys et de violettes,

Et le soleil autant de rayons

Que ce doux cœur qui tombe amoureux

N’a de douleurs et de peines à toute heure.


 

Souffrir longuement et jouir rapidement,

Mourir vif et vivre mort,

Espoir incertain et vaine attente,

Peu de compassion à un grand languissement

Faux sourires et vraies larmes,

Voila la vie des amants.

 

Bien que je sache que seule la mort

Peut mettre un terme à ma grande douleur.

Je ne vous rends jamais responsable.

De mon sort âpre et cruel

Je n’accuse que le tyran Amour,

Beaux yeux, et je vous en excuse.



G. Caccini                                        – Tutto’l di Piango


Je pleure tous le jour, et puis la nuit, lorsque

Les misérables mortels prennent leur repos

Je me retrouve en pleurs, et les maux redoublent.

Ainsi, je passe mon temps en pleurant.

 

Je vais d’une humeur triste, consumant mes yeux

Et le cœur en deuil, et, parmi les animaux, je suis

Le dernier, car les flèches amoureuses

Me tiennent à toute heure banni de la paix.

 

Las ! Car d’un jour à l’autre, j’ai déjà parcouru

Une grande part de cette mort que l’on appelle vie.

Plus me tourmente la faute d’autrui que mon mal,

Car la vivante Pitié, mon fidèle secours,

Me voit brûler au feu et ne me sauve pas.


 

G. Caccini                                        – Al fonte, al prato


A la fontaine, au pré,

Au bois, à l’ombre,

A la fraîche brise

Qui chasse la chaleur,

Courez, bergers ;

Celui qui a soif,

Celui qui est fatigué

S’y repose.

 

 

Que l’ennui,

Que fuie la douleur,

Seul le rire et la joie,

Seul le cher amour

Séjournent en nous

En ces jours joyeux,

Que ne se fassent plus entendre

Querelles et lamentations.

 

Mais que doucement, le chant

Des jolis oiseaux

Par le vert manteau

Des arbustes

Résonne toujours

Avec de nouveaux rythmes,

Pendant que l’écho

Répond à l’onde


Giulio Caccini                                  – Amarilli mia bella

Amaryllis, ma belle,

Tu ne crois pas, doux désir de mon cœur,

Etre mon amour ?

Crois le pourtant, et si la crainte d’assaille,

Prend cette mienne flèche,

Ouvre ma poitrine, et tu verras écrit sur le cœur :

Amaryllis est mon amour.

C. Monteverdi                                  – Quel sguardo


Quel regard dédaigneux, étincelant et menaçant,

Quel dard venimeux vole pour me blesser le cœur ?

Beauté pour laquelle je brûle et suis écartelé,

Blessez-moi de votre regard,

Soignez-moi de votre rire.

 

Armez-vous, pupilles, d’âpres rigueurs

Versez sur mon cœur un nuage d’étincelles

Mais que votre bouche ne tarde pas à me ramener

A la vie une fois occis,

Que me blesse votre regard,

Mais que me guérisse ce sourire.

 

 

 

Beaux yeux, aux armes, aux armes !

Je vous prépare mon cœur.

Jouissez, jouissez de me blesser

Et qu’à la fin je défaille,

Et si par vos flèches je reste vaincu

Que vos regards me blessent

Mais que me guérisse ce sourire.

 

 

 


 

 

 

 

à propos du programme :

Comment évoquer les jardins au XVIIième siècle sans évoquer ceux de Versailles réalisés par Le Nôtre mais inspirés par Louis XIV lui-même ? Poussant la mise en scène de ses bosquets, grottes, bassins, statues et fontaines jusqu’à rédiger lui-même six versions de sa Manière de montrer les Jardins de Versailles entre 1689 et 1705, le Roi guide lui-même les visiteurs au travers de ce spectacle, non dénué de signification politique au même titre qu’une tragédie lyrique.

A côté de cette nature « chorégraphiée » par l’homme, il y a celle restée « nature », peuplée de bergers et de bergères, abritant leurs amours et recueillant leurs soupirs au rythme des saisons, au fil des jours et des lunes…

 

Notre programme vous amènera tout d’abord sous le chaud soleil italien : là où les pâtres se reposent dans les frondaisons, non loin d’une onde rafraîchissante. A la merci de Cupidon, ils n’hésitent pas à danser une gracieuse courante ou une alerte gaillarde. Mais l’heure du deuil venue, ce sont encore ces prés et ces ombrages, peuplés de bêtes sauvages seules capables d’écouter la souffrance humaine, qui abriteront les plaintes de l’amant déplorant la perte d’une aimable Iris ou d’une cruelle Amarilli.

Dans nos contrées septentrionales, si les préoccupations sont les mêmes, l’expression en est cependant plus retenue. Mais les rochers y sont également sourds aux plaintes, les forêts pareillement recherchées pour recevoir les soupirs amoureux, et le Printemps ardemment attendu pour ramener le chant des rossignols et de nouvelles amourettes.

 

L’Italie au XVIIième siècle voit la naissance d’un nouveau style vocal : la monodie accompagnée, issue de la mutation du style polyphonique. La voix supérieure prend son autonomie tandis que les voix inférieures sont jouées par un instrument polyphonique (harpe, clavecin, orgue, luth ou théorbe). La monodie accompagnée permet également l’émergence et la compréhension aisée du texte et aux compositeurs tels que Monterverdi ou Caccini de servir au mieux les poèmes de Guarini, Rinuccini, ou ceux écrits trois siècles plus tôt par Pétrarque (Tutto’l di piango, représentatif de l’ornementation italienne de l’époque particulièrement virtuose et pratiquée par les chanteurs, violonistes, flûtistes ou cornettistes).

 

L’air de cour français, en général extrait du Ballet de Cour, genre précurseur de l’opéra français, est dans la première moitié du XVII ième essentiellement polyphonique. Mais son succès et la stratégie commerciale des éditeurs permet la parution de recueils pour une voix et luth, ce qui permet à chacun de le chanter chez soi. A partir de 1650 on compose le plus souvent, dès la version initiale, des airs pour une voix soliste et la notation de l’accompagnement n’est plus spécifique au luth (tablature) mais adaptée aussi aux claviers grâce au système de la basse chiffrée (une ligne de « basse » surmontée de chiffres indiquant la nature des accords à ‘réaliser’), déjà en usage en Italie au début du XVII ième siècle.

 

La musique écrite pour harpe seule de cette époque est assez rare à trouver, sauf imprimé dans des receuils pour orgue de certains compositeurs organistes-harpistes napolitains, comme la toccata seconda de G.M.Trabaci. Les harpistes jouaient souvent de plusieurs instruments ou étaient également chanteurs, et adapteraient donc nombreuses pièces à leur instrument, soit d’origine vocale ou `emprunté `à la littérature pour clavecin ou pour luth.